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Le voyage d’une image

Des millions de téléspectateurs, paisiblement écroulés dans leurs fauteuils devant leur petit écran, vont suivre avec délices le déroulement du Mondial 86 tout au long du mois de juin. Tous les quatre ans, le Mondial est un événement télévisuel de premier ordre. Pour que les téléspectateurs du monde entier puissent goûter ce spectacle en direct, seconde après seconde, il a fallu mettre en œuvre une profusion de moyens techniques.
L’arbitre siffle. Coup franc. Face au but. Nous sommes à trois minutes de la fin de la finale du Mondial 86 qui oppose l’équipe de France à la fameuse équipe de… Une chaude journée de la fin du mois de juin à Mexico. Pour la première fois de leur histoire, les bleus ont réussi à se hisser à ce stade de la compétition. Après un match terrible, le tableau lumineux affiche un score limpide : zéro à zéro. Platini a souvent, dans le passé, marqué ainsi ses plus beaux buts : ceux qui font la différence, assurent la victoire ou la qualification. Un but qui va peut-être donner le titre à l’équipe de France. Tout le monde est prêt sur le terrain. Platini prend ses marques, recule lentement. L’arbitre siffle. Platini s’élance, frappe le ballon. Une trajectoire impeccable. Pendant le dixième de seconde que va durer le trajet de la balle vers les buts, des millions de téléspectateurs français, le souffle coupé, fixent avec voracité leur petit écran. Ils espèrent l’image, l’image historique. Ah, quel événement ! Arrêtons tout. Laissons le ballon suspendu dans les airs. Partons à la découverte de la formidable organisation qu’il a fallu mettre en place pour que ces images se répandent un peu partout sur la planète. Autour des pelouses de chacun des douze stades mexicains, neuf caméras suivent les péripéties des matchs. Deux derrière les buts, quatre dans les tribunes, deux de chaque côté de la ligne de touche, et enfin deux de l’autre côté du stade pour les ralentis d’actions importantes. Un peu partout des micros d’ambiance sont disséminés, pour capter les sons qui rendent le spectacle plus vivant : clameurs des tribunes, bruits des joueurs, cris des entraîneurs, tout ce qu’on appelle le « son international » et qui va suivre le même chemin que les images. Caméras et micros sont reliés à une station relais à l’extérieur du stade. Autour des stades mexicains on trouve deux types de stations : cinq fixes, sept mobiles. Pour les stations fixes le gouvernement mexicain, représenté par le Subsecrétaria de communicaciones y desarollo tecnologico, l’équivalent de notre ministère des Télécommunications, a commandé pour cinq millions de dollars d’équipements à la société américaine Scientific Atlanta. L’achat de ces infrastructures est une des rares interventions de l’État mexicain dans ce Mundial 86. L’organisation des manifestations a été laissée entre les mains du secteur privé. Le monopole des retransmissions télévisées n’échappe pas à la règle. Télévisa, la première société de télévision privée mexicaine, a ainsi obtenu l’intégralité des droits télévisuels de la Fédération internationale de football. En échange, elle prend à sa charge le total des investissements et verse une redevance substantielle à la même fédération télévisa, dont le patron, Luis Canedo, est le président du comité d’organisation du Mundial. Une société de télévision qui emploie plus de 4000 personnes et possède 50 stations de télé aux États-Unis. Télévisa n’est pas inconnue en France. Le groupe mexicain a participé au financement du dernier spectacle de Mireille Mathieu au Palais des Congrès. Sponsoring largement justifié, la Mathieu est une grande star au Mexique. Autre détail, Canal + a programmé, pendant les fêtes de fin d’année, une série d’émissions produites par la société mexicaine. Télévisa est la seule chaîne étrangère au monde qui diffuse l’intégralité du tournoi de Roland-Garros. Pour le Mondial, le groupe mexicain a beaucoup investi en hommes et en matériel. Il en attend de nombreuses retombées : prestige accru et bénéfices financiers. Deux heures après l’ouverture du Mondial, des correspondants de la chaîne, dans 17 pays, iront se promener pour recueillir à chaud les premières impressions des téléspectateurs. Sur le plan financier, les méthodes de commercialisation assez agressives de la chaîne ne font pas l’unanimité. À titre d’exemple, les lignes son pour les commentateurs ont été vendus 4600 dollars par match.

TF1TF1 et Antenne 2 ayant programmé 52 parties devront verser quelque 239 000 dollars. Pour avoir un ordre d’idée, aux derniers Jeux olympiques de Los Angeles, les télévisions devaient payer une taxe forfaitaire de 16 500 dollars pour assurer les commentaires de toutes les compétitions d’athlétisme. Ces abus ont fait grincer des dents le pool des télévisions européennes, l’Uer. Télévisa est restée sereine. L’Uer paiera rubis sur l’ongle, pas question de rater ce spectacle de tout premier ordre, taux d’écoute garanti… Mieux, télévisa prend date pour l’avenir : « En 1990, pour la prochaine Coupe du monde, nous nous faisons fort d’acheter les droits mondiaux. Nous les revendrons à qui nous voudrons, séparément »… Une belle bagarre en perspective.

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